Vaccination ARN et immunité muqueuse : résultat de l'étude COVICOMPARE

SARS-CoV-2 : des chercheurs démontrent que la vaccination ARN n'induit pas, ou très peu, d'immunité muqueuse

La capacité des vaccins ARN* administrés par voie intramusculaire, dirigés contre le SARS-CoV-2 d’induire une réponse anticorps au niveau muqueux reste encore fortement débattue. Les résultats d’une étude nationale dirigée par Stéphane PAUL, Professeur à l’Université Jean Monnet et Directeur du GIMAP au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI – INSERM / CNRS / ENS de Lyon/Université Lyon 1) et Guy GOROCHOV, Professeur à Sorbonne Université et Chercheur au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses, et à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP), récemment publiée dans la revue JAMA Network Online, permettent d’apporter de nouveaux éléments de réponse tout en proposant une explication des divergences d’appréciation antérieures.

À partir d’une cohorte de sujets recevant les vaccins Moderna et Pfizer BioNTech, coordonnée par le Pr Odile LAUNAY (Université Paris Cité, INSERM et réseau I-REIVAC APHP), Stéphane Paul et Guy Gorochov ont pu comparer la réponse anticorps de sujets n’ayant pas été infectés par le SARS-CoV-2 avant et pendant la vaccination (dits « naïfs ») à celle de sujets ayant été pré-infectés avant vaccination. 427 participants ont été inclus dans cette étude, parmi lesquels 120 avaient présenté une infection par le SARS-CoV-2 lors de la première vague pandémique en France.

De février à juillet 2021, ces participants ont reçu deux doses du vaccin Moderna mRNA-1273 (Spikevax) ou Pfizer-BioNTech BNT162b2 (comirnaty) alors que les sujets pré-infectés n’avaient reçu qu’une dose de Pfizer-BioNTech BNT162b2. Les échantillons sériques et salivaires ont été recueillis juste avant la première dose (jour 1), puis juste avant la deuxième (jour 28) et ensuite à jour 57, jour 180.

Les chercheurs ont alors observé que les anticorps salivaires spécifiques du SARS-CoV-2 (IgA) sont détectés de manière beaucoup plus significative chez les sujets pré-infectés en comparaison aux participants naïfs. Il existe toutefois une augmentation minime, mais significative, du taux d'anticorps salivaires, après vaccination, chez les participants ayant reçu le vaccin Moderna. Parmi ces derniers, le niveau d’immunoglobines de classe A, majoritaires des muqueuses (IgA), salivaires spécifiques du SARS-CoV-2 restait supérieur aux autres sujets chez 35 % des participants jusqu’à 180 jours après la première injection.

En comparaison, les immunoglobulines de type G (IgG) spécifiques du SARS-CoV-2, des anticorps dirigés contre la protéine spike du virus (protéine qui permet au SARS – CoV-2 de pénétrer dans nos cellules), sont largement détectées dans la salive après vaccination aussi bien chez les sujets « naïfs » que chez les pré-infectés. Les niveaux d’IgG salivaires sont toutefois environ 10 fois plus importants 160 jours après la vaccination chez les pré-infectés par rapport aux naïfs.

Grâce à ces éléments, les chercheurs se sont attachés à déterminer si la détection d’IgA salivaire suite à la vaccination était simplement la conséquence des capacités connues de diffusion des anticorps IgA monomériques à partir du sang ou s'il y avait également une induction de véritables anticorps spécifiques aux muqueuses au niveau mucosal.

D’une manière surprenante, de tels anticorps salivaires sont bien détectés, mais cette réponse reste toutefois discrète. Il est à l’heure actuelle impossible de déterminer si leur présence est liée à d’éventuelles infections SARS-CoV-2 asymptomatiques et séronégatives, ou bien si elle est le reflet d’une colonisation muqueuse par des cellules productrices d’anticorps IgA.

En conclusion, la présence d’IgA salivaires après vaccination est plus importante chez les sujets ayant été pré-infectés par le SARS-CoV-2. Certaines études antérieures ayant rapporté l’induction d’une forte réponse immunitaire mucosale suite à la vaccination ARN n’auraient en réalité pas pu clairement distinguer les sujets naïfs des sujets pré-infectés, comme cela a pu être effectué dans le cadre du protocole COVICOMPARE.

Cette étude souligne donc l’intérêt d’envisager de modifier la voie d’administration vaccinale (en considérant par exemple la voie nasale) afin de mieux se protéger contre les infections respiratoires.

« Cette étude a été labellisée Priorité Nationale de Recherche par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur le COVID-19 (CAPNET). Les chercheurs remercient l'ANRS | Maladies infectieuses émergentes pour son soutien scientifique, le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation pour leur financement et leur soutien. » Stéphane Paul, Directeur du GIMAP

(*) Vaccins activant le système immunitaire adaptatif au moyen d'ARN (Acides RiboNucléiques) messagers.

 

Contact
Stéphane PAUL
Professeur d’immunologie à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne et praticien hospitalier au CHU de Saint-Étienne – Directeur de l’Équipe GIMAP, au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) : https://ciri.ens-lyon.fr

stephane.paul@univ-st-etienne.fr